La « réaction entre l’hydroxyde de sodium et l’acide chlorhydrique »

Roméo et Juliette pourraient bien vivre heureux ensemble, après tout.

[Flickr]

Vous ne trou­verez pas le pays de la Chimie sur une carte du monde, mais il ex­iste, néan­moins. La vie y est aus­si riche et var­iée que dans n’im­porte quel autre roy­aume – et par­fois même da­van­tage. Même « Roméo et Juli­ette » se ter­mine bien, là-bas. Mais, n’es­sayons pas d’aller trop vite : nous avons d’abord beau­coup à faire. Nous ren­con­trerons les pro­duits chim­iques Mon­taigu et Ca­pulet, nous sélec­tion­nerons le meilleur can­di­dat pour la « réac­tion en­tre l’hy­drox­yde de sodi­um et l’acide chlorhy­drique », nous voy­agerons dans l’es­pace, nous vis­iterons le meilleur restau­rant au monde, et bien plus en­core.

Visi­tons d’abord le lab­o­ra­toire (ar­ti­cle en anglais) de chimie.

De l'ordre au labo [Deposit Photos]

Dans tous les lab­o­ra­toires où les rè­gles de sécu­rité sont ob­servées et re­spec­tées, les al­calis et leurs ana­logues sont stricte­ment sé­parés des acides et de leurs ana­logues. Ce sont les « Mon­taigu et les Ca­pulet » de la chimie : les deux familles sont agres­sives l’une en­vers l’autre, et im­pla­ca­ble­ment hos­tiles. S’ils se ren­con­trent sans la su­per­vi­sion d’un chimiste, cela ne peut men­er qu'au désas­tre ! Ils n’épargnent pas non plus les chimistes (ar­ti­cle en anglais) – qu'ils n'as­pirent qu'à brûler ou à em­poi­son­ner. Si les chimistes ont l’in­ten­tion de traiter avec eux, ils doivent donc se pro­téger de leur mieux : ils n’ont d’autre re­cours que de tra­vailler avec eux sous une hotte as­pi­rante, et ils doivent porter une blouse de lab­o­ra­toire, un tabli­er, des gants, des bottes spé­ciales, des lunettes ou un boucli­er pro­tecteur.

Mais, il se trou­ve que le bel hy­drox­yde de sodi­um de la famille Al­cali est tombé amoureux de l’acide chlorhy­drique en­chanteur – de la famille Acide !

Pour com­pren­dre toute l’am­pleur de la tragédie, fa­mil­iarisons-nous avec ces com­posés et ex­am­inons la na­ture de l’hy­drox­yde de sodi­um (ar­ti­cle en anglais) et de l’acide chlorhy­drique.

L’hy­drox­yde de sodi­um

Sa for­mule chim­ique est NaOH. C’est l’un des al­calis les plus ré­pan­dus, égale­ment con­nu sous le nom de soude caus­tique.

Pro­priétés physiques

Hydroxyde de sodium [Wikimedia]

Il se présente sous la forme d’une poudre solide blanche ou légère­ment jaunâtre. Hy­gro­scopique, il cor­rode de nom­breux matéri­aux et sub­stances or­ganiques, y com­pris le pa­pi­er, la peau, et même cer­tains mé­taux. Il se dis­sout dans l’eau, ain­si que dans les al­cools éthylique et méthylique.

Pro­priétés chim­iques

Il s’agit d’une base forte, qui réag­it avec :

  • les acides ;
  • les oxy­des am­photères ;
  • les hy­drox­y­des am­photères ;
  • les sels en so­lu­tion ;
  • les non-mé­taux ;
  • les halogènes ;
  • les mé­taux ;
  • les es­ters, les amides et les halogénures d’alkyle ;
  • les al­cools poly­atomiques.

Champs d’ap­pli­ca­tion

  • l’in­dus­trie chim­ique ;
  • l’in­dus­trie de la trans­for­ma­tion ;
  • l’in­dus­trie des pâtes et pa­piers ;
  • la défense civile, en tant que sub­stance neu­tral­isante ;
  • l’in­dus­trie al­i­men­taire – pour en­lever la peau des fruits et des légumes, dans la fab­ri­ca­tion du choco­lat et du ca­cao, ain­si que pour ramol­lir les olives et leur don­ner une couleur fon­cée ;
  • les cos­mé­tiques – pour en­lever la peau kéra­tin­isée ;
  • le mé­nage do­mes­tique.

Main­tenant, fa­mil­iarisons-nous avec l’acide chlorhy­drique.

L’acide chlorhy­drique

Sa for­mule chim­ique est HCl. Il s’agit d’un hy­dracide minéral fort et monobasique.

Pro­priétés physiques

Acide chlorhydrique [Deposit Photos]

In­col­ore et trans­par­ent, c’est un liq­uide caus­tique qui se dif­fuse dans l’air. Sa con­cen­tra­tion max­i­male à 20 °C est de 38 %, avec une den­sité de so­lu­tion de 1,19 g/cm³. L’acide forte­ment con­cen­tré provoque des brûlures sévères s’il touche la peau, les muqueuses ou les yeux, mais est présent dans l’es­tom­ac hu­main à une con­cen­tra­tion d’en­v­i­ron 0,5 %.

Pro­priétés chim­iques

Il s’agit d’un acide fort, qui réag­it avec :

  • les mé­taux ;
  • les hy­drox­y­des mé­talliques ;
  • les oxy­des mé­taliques ;
  • les sels mé­talliques ;
  • les oxy­dants forts ;
  • l’am­mo­ni­um. Une in­ter­ac­tion avec le ni­trate d’ar­gent sert de réac­tion qual­i­ta­tive pour tester l’acide chlorhy­drique et ses sels.

Do­maines d’util­i­sa­tion :

  • l’hy­dromé­tal­lurgie et la gal­van­otyp­ie ;
  • l’in­dus­trie chim­ique ;
  • l’in­dus­trie al­i­men­taire, en tant qu’ad­di­tif al­i­men­taire E507 ;
  • la médecine – pour traiter une faible acid­ité dans l’es­tom­ac.

Un chimiste a donc dé­cidé de ré­c­on­cili­er les deux familles hos­tiles et de mari­er les amants, afin de tout faire pour que la « réac­tion en­tre l’hy­drox­yde de sodi­um et l'acide chlorhy­drique » se déroule comme prévu. Un in­di­ca­teur de phénolph­taléine a servi de demoi­selle d’hon­neur à la mar­iée « acide ». Dès que la réac­tion avec l’hy­drox­yde s’est pro­duite, l’in­di­ca­teur in­col­ore s'est em­pour­pré de joie. Mal­gré l’agres­sion de l’hy­drox­yde de sodi­um et de l’acide chlorhy­drique, la réac­tion fut merveilleuse. Et son équa­tion se lit comme suit :

HCl + NaOH = NaCl + H₂O + Q

L’acide chlorhy­drique et l’hy­drox­yde de sodi­um in­ter­agis­sent, pro­duisant du sel et un dé­gage­ment de chaleur.

Comme on peut le con­stater, l’in­ter­ac­tion de deux com­posés très agres­sifs pro­duit du sel de ta­ble et de l’eau : des com­posés in­of­fen­sifs, voire béné­fiques, pour l’être hu­main. C'est ain­si que les deux familles en guerre ont cessé leurs agres­sions et ont fi­nale­ment fait la paix.

Pour éval­uer cor­recte­ment les pro­duits de la réac­tion, al­lons dans une fusée et aven­tur­ons-nous dans l’es­pace. Nous ob­serverons notre planète de loin. On l’ap­pelle la planète bleue pour une bonne rai­son, car 71 % de sa sur­face est com­posée de mers et d’océans. Soulignons, toute­fois, que seule­ment 1 % de cette eau est pro­pre à la con­som­ma­tion. Et l’eau est l’un des pro­duits de notre réac­tion.

Et main­tenant, visi­tons le meilleur des restau­rants – vous dé­cidez lequel ! Al­lons dans la cui­sine et de­man­dons au chef quels sont les deux in­gré­di­ents qu’il doit ab­sol­u­ment utilis­er. Et croyez-nous, il ne répon­dra pas le caviar, les truffes ou le parme­san. Il dira : le sel (ar­ti­cle en anglais) et l’eau. En ef­fet, sans ces in­gré­di­ents, vous ne pou­vez pas pré­par­er un seul plat. Et en com­bi­nai­son, nos pro­duits de réac­tion peu­vent être trou­vés à la mai­son dans la soupe, la saumure ou l’eau salée.

Et main­tenant, plon­geons en­core plus pro­fondé­ment dans l’étude de la réac­tion en­tre l’hy­drox­yde de sodi­um et l’acide chlorhy­drique, dans la clas­si­fi­ca­tion des réac­tions chim­iques.

Déter­mi­na­tion du type de réac­tion chim­ique en­tre l’acide chlorhy­drique et l’hy­drox­yde de sodi­um

1. D'après le nom­bre et l’état des réac­t­ifs et des pro­duits ré­sul­tants, il s’agit d’une réac­tion d’échange. En d’autres ter­mes, le nom­bre de sub­stances en­trant dans la réac­tion est égal au nom­bre de sub­stances ré­sul­tant de la réac­tion. Il s’est pro­duit un sim­ple échange d’ions. Pour clar­i­fi­er, écrivons notre équa­tion de réac­tion sous forme ion­ique :

H⁺ + Cl⁻ + Na⁺ + OH⁻ = Na⁺+Cl⁻ + H₂O

Dans le cadre de notre his­toire, les mar­iés ont échangé leurs bi­ens per­son­nels : ce qui est à moi est à toi. Ici, vous pou­vez en savoir plus sur cette dot.

2. D'après le type de sub­stances en in­ter­ac­tion, il s’agit d’une réac­tion de neu­tral­i­sa­tion.

H⁺ + OH⁻ = H₂O

3. D'après l’état physique des sub­stances, cette réac­tion est ho­mogène. Les sub­stances en­trant dans la réac­tion se trou­vent dans un état physique iden­tique – un état liq­uide iden­tique.

4. Daprès le sens du déroule­ment de la réac­tion, elle est ir­réversible. La réac­tion se pour­suit jusqu’à la fin, jusqu’à ce que toutes les sub­stances réac­tives soient com­plète­ment con­som­mées.

5. Daprès l’ef­fet ther­mique, elle est exother­mique. En d’autres ter­mes, la céré­monie de mariage s’est déroulée dans une at­mo­sphère chaleureuse, am­i­cale et af­fectueuse. La réac­tion s’ac­com­pa­gne d’un ef­fet ther­mique, et la quan­tité de chaleur dé­gagée est de 57,3 kJ/mol.

6. La réac­tion n’est pas une réac­tion d’oxy­doré­duc­tion : les états d’oxy­da­tion des atom­es ne se sont pas mod­i­fiés au cours de la réac­tion.

H⁺Cl⁻ + Na⁺O²⁻H⁺ = Na⁺Cl⁻ + H⁺ O²⁻

Ain­si, notre his­toire d’amour a une fin heureuse : les amoureux de deux familles hos­tiles ont con­tribué à leur unité.

La réunion [Deposit Photos]

L’hy­drox­yde de sodi­um et l’acide chlorhy­drique agres­sifs ont in­ter­a­gi, et le ré­sul­tat a don­né des pro­duits utiles.

La chimie n’est-elle pas une sci­ence merveilleuse ? Grâce à une réac­tion en­tre un acide et un al­cali, nous avons trans­for­mé la plus triste des tragédies en une joyeuse ro­mance !