Le sel de la vie

Aimeriez-vous découvrir les mystères de l’or blanc ?

Le sel de ta­ble, égale­ment con­nu sous le nom de chlorure de sodi­um, est une sub­stance plutôt énig­ma­tique. Imag­inez : cette poudre blanche que vous saupoudrez sans y penser sur vos frites, était con­sid­érée, du­rant les siè­cles passés, comme un bien aus­si pré­cieux que l’or ! C’est grâce à l’ex­trac­tion du sel de ses la­gunes et à son com­merce avec l’étranger que Venise est de­v­enue un État prospère. La tax­a­tion du sel con­sti­tu­ait un revenu sub­stantiel pour des pays comme la Chine (2 000 avant J.-C.), l’Égypte (323 avant J.-C.) et la Grande-Bre­tagne (19ᵉ siè­cle). En ef­fet, jusqu’à l’époque médié­vale, le sel était la méth­ode la plus courante pour con­serv­er les al­i­ments.

Nous comp­tons en­core sur ce minéral es­sen­tiel au­jourd’hui. Il est en ef­fet es­sen­tiel à notre survie.

Le sel []

Ob­serv­er les pro­priétés et les fonc­tions du sel nous aidera peut-être à dé­cou­vrir ce qui le rend si par­ti­c­uli­er.

Com­mençons avec les pro­priétés physiques. Le sel est une sub­stance cu­bique cristalline avec un goût vif et salé et une couleur solide blanche ou claire. Il en­tre en ébul­li­tion à 1465 °C ; sa masse mo­laire est 58,44 grammes par mole et son point de fu­sion à 801 °C est com­par­a­tive­ment élevé.

En chimie, le chlorure de sodi­um, de for­mule NaCl, est un com­posé ion­ique com­por­tant un nom­bre égal d’ions sodi­um chargés pos­i­tive­ment (Na⁺) et d’ions chlorure chargés néga­tive­ment (Cl⁻). Comme vous le savez, les op­posés s’at­tirent. Les deux ions se lient donc en­sem­ble, créant alors un réseau cristallin cu­bique. Ce réseau est si fort que seuls les solvants po­laires (c’est-à-dire les liq­uides con­tenant des molécules chargées élec­trique­ment) peu­vent le bris­er.

Par­fois, l’eau en fait par­tie. Les molécules d’eau ne sont pas com­posées d’ions, mais elles sont en par­tie chargées. Le côté hy­drogène est légère­ment posi­tif, et le côté oxygène est légère­ment né­gatif. Devinez ce qui se pro­duit lorsque vous ajoutez du sel à l’eau ? Et bien l’eau est at­tirée par le sel ! Les atom­es d’hy­drogène de l’eau com­men­cent alors à en­tour­er les ions chlorure chargés néga­tive­ment et les atom­es d’oxygène de l’eau com­men­cent à en­tour­er les ions sodi­um chargés pos­i­tive­ment. Cette nou­velle at­trac­tion fait dis­soudre le sel dans l’eau. À titre de référence, près de six grammes de sel de ta­ble sont facile­ment dis­sous dans 100 grammes d’eau. En­fin, comme tout autre com­posé ion­ique, le chlorure de sodi­um peut égale­ment con­duire l’élec­tric­ité à l’état liq­uide.

Fait in­téres­sant : la sol­u­bil­ité du sel peut per­me­t­tre de sauver des vies pen­dant une sai­son d’hiv­er glis­sante. En ef­fet, le sel peut abaiss­er le point de con­géla­tion de l’eau (0 °C), faisant alors fon­dre la glace. C’est ain­si que le sel vous évite de gliss­er sur les routes ver­glacées !

La sol­u­bil­ité du sel en fait égale­ment un con­ser­va­teur al­i­men­taire très ef­fi­cace, car il élim­ine l’eau des tis­sus des vian­des et des pois­sons, tu­ant ain­si les bac­téries.

Bien sûr, trou­ver du sel est facile de nos jours. Toutes les épiceries en vendent. Et si ce n’est pas le cas, vous serez un peu sur­pris, n’est-ce pas ? Mais savez-vous quel long chemin par­court le sel avant d’ar­riv­er sur votre ta­ble ?

Faisons un bref voy­age dans l’océan. Chaque fois que vous plongez ou que vous nagez dans l’océan, vous avez droit à une généreuse por­tion de sel. Mais alors : si vous pou­vez goûter le sel de mer, pourquoi n’en voyez-vous pas les cristaux ?

En fait, les cristaux de sel ne peu­vent être trou­vés que dans des bassins peu pro­fonds, ex­posés au soleil et au vent. Le soleil et le vent éva­porent l’eau des bor­ds des bassins rocheux des lit­toraux, ne lais­sant que le sel. Une fois par an, lorsque le sel at­teint une cer­taine épais­seur, les paludiers le ré­coltent dans ces bassins as­séchés ; le sel est en­suite rincé et tamisé.

L’éva­po­ra­tion so­laire qui est la plus an­ci­enne méth­ode d’ex­trac­tion du sel, est courante dans les ré­gions avec peu de pré­cip­i­ta­tions et beau­coup de soleil. C’est le cas du Lac Pink en Aus­tralie oc­ci­den­tale ou des salines de la baie de San Fran­cis­co aux États-Unis ; c’est aus­si le cas en France, sur la côte at­lan­tique dans les marais salants de Guérande, ou de l’île de Ré, par ex­em­ple, ain­si que dans les salins de la côte méditer­ranéenne.

Dans les pays qui ne peu­vent pas compter sur le soleil, on ob­tient du sel par son ex­trac­tion des roches ou par l’ébul­li­tion des so­lu­tions salines des sources de saumure.

Le sel gemme est le nom com­mun de l’halite, un minéral qui vit pro­fondé­ment sous la sur­face de la terre. Il est plus dif­fi­cile de re­con­naître le sel dans l’halite, car il peut avoir une couleur légère­ment jaune, bleue, rose ou grise. Même le goût du sel gemme n’est pas très salé. En ef­fet, le sel gemme con­tient des im­puretés qui dimin­u­ent le goût salé et ap­por­tent des couleurs sup­plé­men­taires au minéral. Comme il est con­tam­iné par le mag­né­si­um et le chlorure de cal­ci­um, le sel gemme n’est donc pas aus­si bon pour l’arôme et la con­ser­va­tion des al­i­ments que le sel de saumure. Néan­moins, il fonc­tionne par­ti­c­ulière­ment bien pour le dé­givrage des routes dans les zones en­neigées.

L’une des plus grandes mines à Wins­ford, dans le Cheshire (Roy­aume-Uni), pro­duit en­v­i­ron un mil­lion de tonnes de sel par an. Imag­inez la quan­tité de sel qui se trou­ve cachée sous la Terre !

En com­para­i­son, les sources de saumure sont des so­lu­tions très con­cen­trées de sel, car elles ne con­ti­en­nent pas d’im­puretés. Faire bouil­lir ces so­lu­tions per­met d’obtenir du sel de qual­ité supérieure, qui est couram­ment util­isé pour aro­ma­tis­er et con­serv­er les al­i­ments.

En plus des ap­pli­ca­tions do­mes­tiques usuelles, on utilise le sel dans de nom­breuses in­dus­tries, no­tam­ment chim­ique, pour l’adoucisse­ment de l’eau, en médecine, dans l’agri­cul­ture, etc. De grandes quan­tités de chlorure de sodi­um sont util­isées dans les pro­ces­sus in­dus­triels de fab­ri­ca­tion d’une vaste gamme de pro­duits, al­lant du plas­tique, du pa­pi­er et du verre aux déter­gents, aux savons et à divers types de den­ti­frices.

Il est in­téres­sant de not­er que le sel est ex­empt de calo­ries et de nu­tri­ments, à l’ex­cep­tion du sodi­um et du chlorure. Alors, pourquoi est-il bon pour nous ?

Com­mençons par le sodi­um. Cet élé­ment est vi­tal pour main­tenir la pres­sion artérielle, réguler les flu­ides dans notre corps et trans­met­tre les in­flux nerveux. Quant au chlorure, il aide à main­tenir l’équili­bre acide-base du corps et à tuer les ger­mes con­tenus dans les al­i­ments que nous man­geons.

Sans au­cun doute, ces deux élé­ments sont es­sen­tiels à la vie. Comme notre corps perd du sel chaque jour lorsque nous tran­spirons ou que nous uri­nons, nous de­vons com­penser cette perte.

Heureuse­ment, dans la vie de tous les jours, nous avons seule­ment be­soin d’un peu plus d’une demi-cuil­lère à café de sel par jour. En général, les al­i­ments comme les vian­des, les fruits de mer, les œufs, le lait et les légumes peu­vent facile­ment nous pro­cur­er cette quan­tité. Ils sont na­turelle­ment rich­es en sodi­um, con­traire­ment aux piz­zas, aux chips et aux vian­des en con­serve qui con­ti­en­nent du sel ajouté lors de la pré­pa­ra­tion.

Ne pas con­som­mer suff­isam­ment de sel peut provo­quer des symp­tômes ter­ri­bles, comme des nausées, des cram­pes et une perte d’ap­pétit et d’én­ergie. Dans les cas ex­trêmes, la pri­va­tion de sel peut en­traîn­er la mort. C’est pourquoi les ath­lètes sont en­cour­agés à con­som­mer des bois­sons rich­es en sodi­um pen­dant les en­traîne­ments in­tens­es ou les marathons.

N’ou­bliez pas, cepen­dant, que l’ex­cès de sel est tout aus­si no­cif que la pri­va­tion de sel. L’ex­cès de sel peut aug­menter la pres­sion artérielle et en­traîn­er une crise car­diaque, un ac­ci­dent vas­cu­laire cérébral et même une in­suff­i­sance car­diaque. Écoutez votre corps : une sen­sa­tion de soif, de bal­lon­nement ou une en­vie de chips pour­rait in­di­quer que vous con­som­mez plus de sel que vous n’en avez réelle­ment be­soin.

Bien sûr, il est per­mis de partager un sa­chet de chips avec un ami de temps en temps. As­surez-vous sim­ple­ment de ne pas en manger tous les jours, ou bien faites-les vous-mêmes avec des légumes !

Comme si les fonc­tions réelles du sel n’étaient pas suff­isantes, on a at­tribué à ce com­posé di­vers­es sig­ni­fi­ca­tions sur­na­turelles depuis des temps im­mé­mo­ri­aux. Les Grecs et les Ro­mains, par ex­em­ple, of­fraient du sel aux dieux pen­dant les sac­ri­fices. Les Hawaïens in­digènes util­i­saient du sel pour bénir leurs nou­veaux can­ots. Et en Haïti, la seule façon de faire re­vivre les zom­bies était de leur don­ner du sel…

Comme vous pou­vez le voir, les ca­pac­ités du sel sont vrai­ment im­pres­sion­nantes. Ses pro­priétés clés ren­dent ce com­posé in­dis­pens­able dans de nom­breux do­maines de la vie et es­sen­tiel au bien-être général. Alors, croyez-le ou non, il y a tout un éven­tail de su­per pou­voirs dans votre sal­ière !